Quel est votre métier ? pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours personnel et professionnel ?
Je suis directrice de projet international, j’aide donc les entreprises à se développer à l’échelle internationale, à investir du niveau local jusqu’à l’internationale.
Au cours de ma vie j’ai dû faire face à 4 gros accidents qui ont été assez lourds et ce sont en fait les études qui m’ont beaucoup aidées à me reconstruire. Le fait d’apprendre, de se remettre en question, de toujours rester debout, y compris pour ses proches et de travailler sur sa propre santé.
Ces épreuves m’ont apporté une qualité qui devient un talent très recherché de nos jours par les entreprises c’est-à-dire la capacité d’empathie, de se mettre à la place de l’autre, à mieux exprimer ses émotions. Je me suis raccrochée à mes études et cela s’est poursuivi plus tard, j’ai eu l’ambition de reprendre les études à 57 ans pour continuer sur un master dans une grande école, ce qui n’était pas gagné pour moi. J’ai aussi de lutter contre l’âge et la représentation de l’âge en France notamment en entreprise. Je suis donc passée par les études pour me reconstruire comme j’ai appris à le faire depuis petite. C’est un défi qui m’a, par la suite ouvert d’autres portes, d’autres réseaux.
Le message que je voulais passer à ces jeunes est que le fait d’apprendre à parler, à écrire mais aussi à communiquer, facilite l’insertion dans la vie. On est davantage respectés et compris par les gens.
Qu'est-ce qui vous a motivé à vous investir dans cette action en faveur des jeunes détenus ?
Ma motivation a été de me dire que les épreuves de vie que j’ai vécues n’ont pas été des moments faciles alors si ça peut en plus être utile, inspirer ces jeunes, leur donner un avenir avec des chances de se reconstruire alors je ne les auraient pas vécues pour rien. J’espérais que mon parcours puisse leur donner un minimum de cap, leur permettre de voir un avenir avec des chances, du respect, de l’attention.
Petite, je n’ai pas forcément eu la même chance que certains de mes collègues. Je souhaitais donc leur montrer qu’ils peuvent à leur niveau y croire, leur transmettre l’envie de se battre. J’avais très envie de me rendre utile auprès d’eux, de leur donner d’autres repères, avoir beaucoup de respect à leurs égards. Leur montrer que c’est par le respect des règles qu’on est soi-même respecté.
Je souhaitais m’investir dans cette mission, venir à leur rencontre afin de leur témoigner du respect, de l’attention, et de leur montrer que malgré les aprioris, les stéréotypes, ils peuvent, à leur niveau aussi, y croire. Je voulais aussi lutter contre la violence qu’elle est inutile. Et qu’en s’adressant correctement aux gens on peut faire passer de bons messages.
Comment appréhendiez-vous cette intervention auprès des jeunes incarcérés et est-ce que votre ressenti a évolué après coup ? Comment le voyez-vous à présent ?
J’ai tellement surmonté d’épreuves dans ma vie que je n’avais aucune appréhension particulière. J’étais même plutôt impatiente, j’étais curieuse, excitée à l’idée de pouvoir participer à cette intervention, j’avais ce besoin de me sentir utile dans la société.
Après coup cela m’a fait énormément réfléchir. Intervenir au sein d’une maison d’arrêt a fait évoluer ma vision et ma perception des prisons, des maisons d’arrêt qui ne sera plus jamais la même, d’autant que nous avons eu la chance de pouvoir entrer dans une cellule et dans leur environnement.
J’ai mesuré le niveau de violence qui pouvait y avoir dans ce type d’établissement, de l’ambiance qu’il en ressortait. Cette intervention m’a permis de constater l’espace de vie minime dans lequel ces jeunes doivent vivre.
Un autre point qui m’a surpris est le rapport à l’argent et la façon qu’ils ont de chercher à l’obtenir facilement.
Si au départ comme beaucoup gens, je crois, j’étais plus dans la réflexion autour de la cause de l’incarcération « il a détourné de l’argent… » « il a tué … », je me dis à présent que même si ce qui a été fait est irréversible, ce sont des actes inqualifiables, un criminel à le droit de se reconstruire.
Je garde maintenant une distance de jugement que je n’avais pas du tout avant. Dans toute personne il y a une part humaine et je m’aperçois que c’est ce en quoi je crois. Ça m’a fait beaucoup réfléchir et me dire que si on arrivait à reproduire à plus grande échelle ce qu’ExplorJob nous a permis de faire : mettre en place ces échanges, on aiderait davantage les jeunes à reprendre confiance, à retrouver espoir et ne pas reproduire les mêmes erreurs.
Comment décririez-vous l'impact de votre intervention sur les jeunes incarcérés en termes de motivation et d'espoir pour l'avenir ?
Sur nos 3 interventions qui étaient complémentaires, je pense que ça n’a pas pu leur faire de mal, ne serait-ce que pour le fait de les faire sortir de leur cellule. Je ne m’imaginais pas à quel point sortir de leur cellule était autant codé, restreint, que le temps était autant compté chaque jour.
De plus, dans le cadre de ces interventions ils rencontrent des gens qui leur sourient, qui ne connaissent absolument rien d’eux, qui les prennent comme ils sont, qui vont s’adresser à eux. J’ai besoin de leur montrer que c’est un partage, et si possible un échange. Et surtout, quand ils sont repartis, ils n’avaient plus le même comportement qu’à l’arrivée.
Pour un bon tiers d’entre eux, je pense que ces échanges les ont fait réfléchir et que certains auraient aimé poursuivre.
Quelle a été la réaction des jeunes par rapport à votre présentation ?
Chacun réagissait différemment, certains étaient étanches (ils ne se sont pas sentis concernés), d’autres le paraissaient aussi mais ce n’était pas le cas, d’autres ne vont pas réagir immédiatement, et d’autres vont directement réagir : c’est extrêmement variable.
Maintenant dans la mesure où ils ont accepté à chaque fois de parler, de témoigner c’est la preuve que ça les a intéressés. Je pense que le fait qu’on leur donne cette chance qu’il puisse voir des gens « normaux » « de la vie de notre société », qui ne soit pas des personnels gardiens, des surveillants, des médecins, des avocats, qui sont déjà rodés, conditionnés, par ce lieu de vie, leur a permis de rencontrer des personnes totalement « neuves » extérieures à leur situation. Ces remarques, questions et témoignages ne font plus partis de leur quotidien et nous rencontrer peut leur faire du bien.
Pouvez-vous partager une expérience marquante ou une réussite particulière que vous avez vécue lors de l’intervention ?
Quand j’ai parlé de la maladie et du divorce, j’ai eu une réaction qui m’a profondément touchée. Un des jeunes a été très intéressé, ce qui m’a beaucoup touché. Je sentais que cette personne avait un bon fond malgré ses problèmes. Cela m’a donc conforté dans mes convictions profondes que chacun a une âme, un cœur, une sensibilité et a le droit d’évoluer. C’est aussi la raison pour laquelle je suis allée jusque-là, que je leur ai confié autant de choses, à la hauteur de leur vécu pour qu’ils comprennent ce chemin et leur montrer qu’on peut toujours rebondir.
Quels types de conseils/valeurs vous a-t-il semblé important de transmettre aux jeunes ?
Je souhaitais tout d’abord leur permettre de s’identifier à l’un de nos 3 témoignages. Qu’ils puissent voir que rien ne nous a été offert, qu’ils puissent poser des idées qui soient à leur portée et leur montrer qu’on a tous pu s’en sortir. Le but étant de leur permettre de se projeter dans des projets qui sont à leur portée comme certains métiers.
Leur montrer et leur transmettre qu’il n’y a pas que l’argent qui compte. Il m’était très important de partager des valeurs autour du sens de l’effort, d’apprendre à être patient, d’apprendre à investir sur soi, de se dire qu’investir du temps et de l’écoute c’est plus tard le transformer en une capacité à travailler.
À la suite de cette expérience, je me suis inscrite à l’ANVP : l’Association Nationale des Visiteurs de Prison. On s’engage à venir au moins une heure par semaine rendre visite à des personnes incarcérées. Dans ce type d’accompagnement, j’aime cette relation assez profonde et suivie. Pratiquant 3-4 langues différentes, je peux aussi être orientée vers des personnes ne parlant pas du tout le français.
Que retirez-vous de cette mission ? Qu’a-t-elle pu vous apporter en tant que personne ? Qu’est ce que vous pourriez dire à une personne hésitant à rejoindre la mission ?
A quelqu’un qui hésite, je lui dirais que c’est une opportunité assez unique, pour ne pas dire insolite. C’est une opportunité de découvrir un monde, d’être utile. C’est une expérience humaine qui permet de s’enrichir, de nous transporter et qui va nous faire réfléchir pendant des jours et des jours.
Cette intervention est une une expérience que l’on a plaisir à raconter aux autres. Un moment que l’on souhaite partager pour leur permettre de peut-être, faire évoluer leur vision sur les mineurs incarcérés et les sensibiliser sur le rôle que la société a à jouer pour réussir leur réinsertion après leur sortie.
On a tous une expérience à transmettre à ces jeunes : c’est un don de temps qui peut être donné plus simplement qu’un don d’argent.
Quels messages ou valeurs souhaitez-vous transmettre à ces jeunes incarcérés ?
Le message est de croire en soi, de s’ouvrir aux autres, d’écouter, de respecter, sourire et vraiment apprendre à communiquer. Pour moi, la manière dont on s’adresse à quelqu’un change tout et c’est ce que j’ai souhaité leur transmettre.
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